TOUÏS ?!
Je n’ai jamais douté que TOUÏS fut l’un des plus manquants de sa génération.
LE SERGENT LATERREUR a toujours été un classique pour moi. Les double-pages du Sergent, découvertes gamin dans Pilote, uniques par leur trait, leurs couleurs, le minimalisme du sujet, m’ont tout de suite subjugué par leur évidence : Contrairement à la plupart des BD de Pilote le Sergent était à prendre ou à laisser. C’était à chaque fois un coup de poing dans la figure de la Connerie, de l’Autorité nabotte. Relisons le Sergent en pensant à un célèbre nabot qui fut président de ce pays récemment et considérons le bien que ça nous fait : merci TOUÏS & FRYDMAN ! PILOTE : La Presse de Bande Dessinée permettait la Variété, mais aussi la Bizzarrerie, l’Extravagant, le Subversif. La Presse autorisait l’existence à certaines œuvres qui ne pouvaient pas plaire à la majorité. DES BANDES DESSINEES BORDELINE POUR TOUS. Dans PIF-GADGET il y avait M LE MAGICIEN de Massimo MATTIOLI et dans Pilote Le Sergent Laterreur de Touïs et Frydman. L’une de mes fiertés d’Éditeur est d’avoir pu publier ces deux chefs-d’œuvre marginaux et historiques, dans leur première édition intégrale. Après avoir, dans la génération qui précédait la nôtre à l’ASSOCIATION, réédité GÉBÉ, FOREST, GOOSENS, MASSE, BAUDOIN, CARO, CHARLIE SCHLINGO.., TOUÏS s’imposait évidemment. L’édition raisonnée du SERGENT prit quelques années, et fut récompensée du Prix du Patrimoine à Angoulême 2007, récompense ayant Vraiment un sens, plus de trente ans plus tard… Mais c’est d’abord au moment de COMIX 2000 que j’avais cherché à retrouver TOUÏS. L’ASSO voulait convaincre le maximum d’aînés prestigieux de figurer dans son Anthologie de 2000 pages. TOUÏS n’était pas évident à retrouver, on aurait dit qu’il se planquait quelque part ! on a fini par dénicher une adresse. TOUÏS est venu à l’ASSO avec sous le bras une farde géante contenant 17 immenses planches muettes qui non seulement pourraient intégrer le COMIX 2000 mais allaient devenir l’une de ses plus épatantes contributions…Ce qui faisait de TOUÏS, né en 1940, le plus ancien des 324 auteurs du Collectif (le plus jeune était né en 1982). Parmi les inédits que TOUÏS avait sous le coude, « MAI » s’est retrouvé dans le n°25 de la revue LAPIN (celui où figurait le premier épisode de PERSÉPOLIS), juste avant que ne s’arrête la formule. Je retrouve avec grand plaisir ces histoires dans la série de TOUÏS COMIX ! J’ai un souvenir un peu cinématographique de TOUÏS venu m’attendre en gare de US (en banlieue parisienne, pas aux Etats-Unis), l’hiver, avec un costume blanc et un très grand chien blanc. Sacrément distingué ! Mais on sentait bien que depuis le SERGENT, TOUÏS n’avait jamais dû se réconcilier avec le pouvoir et l’autorité. Ayant pu vivre d’autre chose, TOUÏS n’a jamais fait que les bandes dessinées qui lui plaisaient. D’où l’incomparable liberté de ses bandes. D’où la classe absolue de VIVIAN, alias TOUÏS.
Jean-Christophe MENU – 9 août 2016
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